10 milliards d'humains, et alors ?Face à l'urgence écologique, un discours malthusianiste ressurgit : sommes-nous trop nombreux ? Pour le biologiste Gilles Bœuf et le démographe Hervé Le Bras, s'inquiéter d'une démographie galopante est un moyen commode, pour les pays du Nord, de ne pas remettre en cause leur mode de vie. Entretien croisé.
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Répercuté par DR dont j'ai fait partie un temps, l'intégralité de l'article :
En quarante ans, la population mondiale a doublé. De 7,5 milliards d’individus en 2017, elle pourrait, selon les Nations unies (ONU), frôler les 10 milliards en 2050. Dans un manifeste publié mi-novembre, 15 000 scientifiques internationaux appellent l’humanité à freiner d’urgence la destruction de l’environnement, préconisant notamment la limitation des naissances. Faut-il revenir au malthusianisme, une doctrine prônant la restriction démographique pour réduire la misère ? Entretien croisé entre le démographe Hervé Le Bras et le biologiste Gilles Bœuf.
Le scénario de l’explosion démographique a été évoqué dès les années 1960, notamment par le biologiste américain Paul Ehrlich, auteur de « La Bombe P » (1968). Pourquoi à cette époque précisément ?
Hervé Le Bras : On a mis du temps au XXe siècle à admettre l’idée que la population augmentait trop vite, parce que, dans l’entre-deux-guerres, on avait craint le phénomène inverse : une baisse trop rapide de fécondité et un manque d’hommes. On pensait alors que les populations indiennes, chinoises ou africaines n’augmenteraient pas, et que seule la « race blanche » était appelée à se développer. Même après 1945, il a fallu attendre avant que cette vision ne change. En janvier 1960, le magazine américain Time titre « That Population Explosion », et l’idée commence alors à s’imposer.
Que représente, en termes de biomasse, l’occupation de la Terre par l’homme et son cortège d’animaux domestiques ?
Gilles Bœuf : Selon un article publié dans Science il y a quelques années, il y a 12 000 ans (quand l’humain invente l’agriculture), on comptait environ 5 millions d’individus sur Terre. Si l’on fait la somme de ces humains et de leurs animaux domestiques, cela représente à peu près 0,1 % de l’ensemble de la biomasse que constituent les 5 000 espèces de mammifères. Aujourd’hui, c’est 90 % ! Et la biomasse que représente le milliard et demi de vaches que nous élevons, sachant qu’une vache pèse bien plus que cinq humains, excède la biomasse des 7,5 milliards d’humains vivant sur la planète…
L’appel qu’ont lancé 15 000 scientifiques sur les dangers liés à l’état de la planète insiste sur l’urgence qu’il y a à « limiter adéquatement la croissance de la population » humaine. Qu’en pensez-vous ?
H.L.B. : Selon moi, ce raisonnement est trop général. Les situations démographiques dans le monde sont très différentes. Les Iraniens en sont à 1,7 enfant par femme. Rien à voir avec le Niger, actuellement le pays ayant la plus forte fécondité avec 7,5 enfants par femme. Par ailleurs, entretenir l’angoisse d’une démographie galopante, c’est une manière commode pour les pays du Nord de ne pas remettre en cause leur propre mode de vie et de consommation. En incriminant les pays du Sud qui font plus d’enfants, les pays riches leur disent en réalité : vous n’avez pas le droit de polluer ni de consommer autant que nous l’avons fait.
G.B. : Autre question : dans les pays où la pression démographique est trop forte, comment appliquer une politique de contrôle des naissances ? Si l’on excepte la contrainte d’Etat – comme l’a fait la Chine en 1979 avec sa « politique de l’enfant unique » –, la réponse passe par l’éducation des jeunes filles. Ce qui demande une volonté politique, des moyens et du temps. De fait, le gouvernement du Niger est actuellement incapable de faire face, et il faudrait une aide internationale importante pour espérer que les choses bougent dans ce domaine.
H.L.B. : La solution passe en effet par les femmes et tient en deux mots : éducation et autonomie. Pas l’éducation primaire, mais secondaire : il faut que les filles continuent d’aller à l’école une fois qu’elles sont nubiles. Elles y apprennent les bases du planning familial, et surtout cela les protège d’un mariage précoce. L’autonomie, cela signifie que c’est à elles et non aux hommes de décider de leur fécondité. Dans les pays très pauvres du Sahel, un enfant de plus, c’est un travailleur de plus. Les hommes continuent donc de vouloir beaucoup d’enfants. Mais les quelques enquêtes menées avec les femmes montrent qu’elles sont plus réalistes – ne serait-ce que parce qu’elles veulent, comme dans le reste du monde, accéder à l’emploi et à la vie publique.
Malthus fondait sa théorie, non sur la crise écologique mais sur l’adéquation entre la croissance de la production agricole et celle de la démographie. Pourra-t-on nourrir 10 milliards d’individus ?
G.B. : En termes de production globale, oui. Mais on se heurte à un gigantesque problème, celui de la distribution et du gaspillage alimentaire. A l’échelle mondiale, on jette presque la moitié de ce qu’on produit ! Pour améliorer la répartition de la nourriture, il faudrait mettre en place toute une organisation, en commençant par respecter les coûts de production agricole afin que les paysans puissent s’en sortir. C’est une tâche énorme, mais c’est possible.
H.L.B. : Il y a un problème plus grave : celui de l’augmentation fulgurante de la consommation mondiale de viande. Cette demande accrue en protéines animales est apparue à la fin des années 1980, lorsque les classes moyennes des pays émergents ont gagné en pouvoir d’achat. En Chine, la consommation de viande a été multipliée par vingt en quarante ans ! On produit actuellement deux fois plus de calories végétales qu’on en consomme, car ces calories végétales nourrissent les animaux qui nous apportent des calories animales. La moitié de la production actuelle de céréales est destinée à des animaux domestiques. Or, pour récupérer une calorie de viande ou de lait, il faut donner quatre calories végétales à un poulet, dix à une vache…
Mais pourra-t-on produire demain autant de nourriture qu’aujourd’hui, alors que les océans s’acidifient, que les pollutions dégradent les écosystèmes, que le changement climatique est en route ?
G.B. : Je le crois, à condition de changer sacrément nos habitudes. Et d’appliquer quelques principes simples. Ne pas gaspiller l’eau. Arrêter d’utiliser des pesticides dangereux, diminuer les engrais. Développer l’emploi ailleurs que dans les villes, en misant sur la polyculture raisonnée. Et cesser d’augmenter indéfiniment les surfaces agricoles ! Si nous créons demain un gigantesque agrosystème sans zone humide ni forêt tropicale, avec des océans mis en coupe réglée, on court à la catastrophe. Il faut aussi veiller à préserver de la biodiversité, pas seulement au sein des plantes cultivées.
Comment le changement climatique va-t-il affecter la croissance démographique ?
H.L.B. : Cette croissance sera très différente selon les régions. Sur le continent américain, par exemple, la fécondité a diminué presque partout, au Nord comme au Sud – la région en tête étant… la Guyane française, avec 3,4 enfants par femme. En Afrique, c’est autre chose : selon la projection moyenne de l’ONU, c’est entre les deux tropiques africains que se produiront les trois quarts de la croissance mondiale en 2050. Avec deux types de situations. Au Sud, le terrain est encore presque vide : la densité est de 10 habitants par kilomètre carré au Gabon, de 35 dans l’immense République démocratique du Congo (RDC).
Il suffirait donc d’y augmenter les rendements agricoles pour nourrir bien plus d’habitants. Mais au Nord, c’est le Sahel. Et là, le problème est immense. Du Sénégal jusqu’au Niger (sans compter le Tchad), il y a environ 65 millions d’habitants : au taux de fécondité actuel, ils seront 200 millions en 2050, 400 millions en 2100. Pour eux, la question de l’alimentation et de l’emploi va se poser très fortement.
G.B. : D’autant que le changement climatique touchera de plein fouet cette région intertropicale. On y est déjà : l’assèchement du lac Tchad, principale source d’eau potable en Centrafrique, est une catastrophe sociale monstrueuse pour les quatre pays qui en dépendent – Niger, Tchad, Cameroun et Nigeria. La seule solution pour enrayer cette évolution, c’est d’arrêter la déforestation. L’association de la sécheresse et de la disparition des forêts est la première cause des problèmes dans plusieurs régions du monde. Or la forêt garantit la pluie (par évapotranspiration des arbres), sans laquelle il ne peut par ailleurs pas y avoir d’agriculture. Faute de quoi les habitants de ces régions migrent vers les villes – où ils ne trouvent pas de travail.
La question de la pression démographique ne se poserait donc que dans quelques régions du monde ?
H.L.B. : Oui. Avec un autre phénomène qui complique encore les choses : la guerre. Quels sont les pays d’Asie qui ont la plus forte fécondité ? L’Afghanistan (5,3 enfants par femme), suivi de l’Irak (4,6), du Yémen (4,4), de la Palestine (4,3) et du Pakistan (3,7). En Afrique, c’est d’abord le Niger, puis la Somalie, le Mali, la RDC, le Tchad… Or, tous ces pays connaissent une grande instabilité politique, voire des conflits. Comment implanter une politique de régulation des naissances dans un pays en guerre ?
Il y a là un cercle vicieux, car une croissance démographique trop rapide est un facteur de déstabilisation propice aux conflits. C’est un phénomène relativement nouveau : géographiquement, les zones de conflit coïncident de plus en plus avec celles où la démographie est la plus forte, et les deux facteurs font système. On entre dans un problème plus préoccupant et plus large encore, qui est la gestion politique de la planète.
G.B. : S’y ajoute la question du changement climatique. Il y a d’étroites relations entre l’écologie et la géopolitique d’une région. La guerre de Syrie intervient en 2011, après les douze pires années de sécheresse du Croissant fertile depuis trois siècles : ce n’est pas une coïncidence.
Quelle que soit l’efficacité des politiques démographiques à venir, il faut compter avec l’inertie des générations : nous serons plus nombreux en 2050 qu’aujourd’hui. Comment concilier cette contrainte avec l’urgence écologique ?
GB : Il y a là un paradoxe. Mais l’inertie, malheureusement, est aussi très forte en écologie ! Le premier texte faisant date sur le sujet remonte à 1895 : des Américains s’alarment de la disparition des grandes forêts de conifères, qu’ils coupaient pour faire de la pâte à papier, et de la contamination des rivières à saumon. Plusieurs alertes sont ensuite lancées dans les années 1950-1960. Mais le premier article d’écologie dans une grande revue scientifique, Science, date de 1997 ! En revanche, l’accélération de ces publications est maintenant continue. Et chaque article est plus inquiétant que le précédent.
En termes de population, on parle beaucoup de ce qui « entre », moins de ce qui « sort »… La mortalité sera-t-elle affectée par les bouleversements environnementaux ?
G.B. : C’est une question très profonde. Les résultats d’un article récent sont très parlants : en prenant comme critères la durée de vie, la taille et les performances physiques de l’homme, on voit que tout est « au taquet ». Après avoir pris 15 cm en cent cinquante ans, nous ne grandissons plus. Pareil pour la durée de vie : on a gagné 35 ans sur cent cinquante ans, mais la courbe est pratiquement à l’asymptote – et la différence homme-femme s’amenuise. Avons-nous atteint les capacités de développement et d’augmentation des performances propres à notre espèce ? Ou les freins qu’on se crée en dégradant l’environnement nous empêchent-ils de faire croître ces paramètres ?
H.L.B. : A l’échelle mondiale, il y a eu à partir des années 1970 une extraordinaire baisse de la mortalité après 60 ans – ce qui participe à la croissance de la population. Les champions du monde sont les Japonais. La France est légèrement derrière le Japon. Quant aux Etats-Unis, ils sont très au-dessous, et l’espérance de vie y plafonne depuis une dizaine d’années. Ce n’est pas la limite biologique qui est en jeu chez les Américains, mais le mode de vie, en particulier l’obésité.
Revenons au contrôle des naissances. Pour que celui-ci soit efficace, il faut que les changements soient consentis et les filles éduquées. Mais il y a des pays où le poids de la tradition, musulmane notamment, s’y oppose fermement…
H.L.B. : La religion musulmane n’est pas seule en cause. En Haïti, où la fécondité est une des plus fortes d’Amérique du Sud, c’est la religion catholique qui est aux manettes. Mais les Eglises, quelles qu’elles soient, ne freinent pas toujours. Ainsi, au Mexique, la baisse de fécondité fut négociée en 1972 entre l’Eglise et le président Echeverria – et le taux de fécondité est passé de 6,5 enfants par femme à 2,3.
En Iran, pays à strict régime musulman, la pression démographique a fortement diminué ces dernières décennies. Même chose dans les pays du Maghreb. En Algérie, l’âge moyen du mariage est passé de 17 ans à 28 ans en une seule génération, notamment parce que les femmes se sont massivement dirigées vers les études. En Tunisie, on compte, à la sortie de l’université, 40 % de plus de femmes que d’hommes.
Il est vrai toutefois que, dans certaines situations locales, des groupes religieux luttent contre le contrôle des naissances. Notamment dans les pays musulmans où les conflits sont les plus violents et où une partie des groupes en présence cherchent à empêcher l’éducation des filles. Le nom du mouvement terroriste Boko Haram vient des mots book et haram et signifie « livres interdits ».
A vous entendre, le problème démographique n’est pas celui dont nous souffrons le plus. Le malthusianisme ne s’impose donc pas ?
H.L.B. : Il s’impose d’autant moins qu’une grande partie du chemin est déjà fait. Les projections en nombre absolu sont une chose, mais il faut aussi prendre en compte le taux de croissance de la population mondiale. Celui-ci a augmenté dans les années 1950, puis a atteint son maximum au début des années 1970. Aujourd’hui, il a déjà pratiquement diminué de moitié par rapport à ce maximum. Et les éléments sont réunis pour que ce ralentissement global continue, sauf dans quelques hot spots problématiques.
G.B. : La question démographique doit être posée, mais la population sert d’excuse ou de masque à d’autres problèmes. On brandit la menace de 10 milliards d’humains, mais ce qui importe pour un avenir meilleur, c’est de savoir qui émet le plus de pollution, de contrôler ce phénomène, et de parvenir à une meilleure distribution des ressources.
Et ma réponse à un article qui s'il aborde, enfin, le vrai problème, n'y va qu'avec des pincettes de peur des accusations habituelles de racisme et d'islamophobie à la con ; et surtout n'aborde pas frontalement la véritable question de la SEXPOL :
"L'éternel problèmatique à la base n'est toujours pas abordée alors que nous allons célébrer le cinquantenaire de mai 68 : la SEXPOL de Wilhelm Reich ("il y a une relation proportionnellement inverse pour une femme entre avoir beaucoup d'enfants et avoir une vie sexuelle épanouie"). En effet, c'est la Révolution Sexuelle qui a permis de faire baisser la natalité chez nous outre la Libération de la Femme qui lui est lié. C'est ça qui manque dans les pays sous la coupe de religions sexistes et machistes et pas seulement l'Islam, regardez l'Amérique du Sud. Pire, la fin de la Révolution Sexuelle en 1992/94 chez nous pour cause d'islamisation de la société remets ça en cause même chez nous et on se refuse aujourd'hui encore pour des raisons électoralistes primaires à faire le lien entre harcèlement de rue et Djihad furtif. C'est bien beau ce que dise ces 15.000 scientifiques mais ce n'est qu'un constat... de la Surpopulation, même pas de ces Causes ! Et si on ne s'attaque pas aux Causes, on ne vaut pas mieux que Hulot et les autres qui ne veulent même pas voir la Surpopulation comme seule et unique véritable cause du réchauffement climatique. On n'aura fait que remonter le problème un cran plus en amont mais toujours sans vouloir mettre le doigt sur la question qui dérange : la SEXPOL de Wilhelm Reich !"